Aujourd’hui, j’aimerais vous faire part d’un modèle mental que j’ai mis au point, et que j’utilise :
Dès que je me retrouve face à un phénomène que je peine à expliquer
Dès que je cherche à mieux comprendre un phénomène courant, mais peu questionné.
J'ai remarqué que tout phénomène relatif à l'humain trouve explication dans un continuum entre trois Grands Ensembles, constitués d’un total de douze strates.
Chacun tend à s’imbriquer dans l’autre, recevant le contenu du précédent pour déverser le tout dans le suivant. Comme une série de poupées russes dont l’ensemble nous confère une compréhension, si pas exhaustive, au moins étendue de nos comportements, tropismes, aspirations et actions.
Ces trois grands ensembles et ces douze strates, les voici :
Grand Ensemble I : Le Matériel
Ce niveau incombe à tous les niveaux qui nous constituent dans notre chimie.
Cosmologique. Tout événement prend forme dans l’immensité du chaos dont nous sommes une partie infinitésimale. Tenter de le comprendre, c’est tenter de mieux nous comprendre. Nous sommes ce petit cri de vie qui perturbe le silence éternel de ces espaces infinis.
Physique. Du cosmos découlent les lois qui dictent nos propres tenants et aboutissants. Notre chair, donc nos pensées, donc nos actions, sont autant de conséquences directes de ces lois.
Biologique. Pour survivre aux lois physiques qui régissent notre monde, nos organismes se sont adaptés, au gré d’une infinité d’aléas, de traumatismes et d’adaptations. Là aussi, tenter de mieux comprendre notre actuelle biologie, mais aussi celles dont nous découlons, c’est mieux comprendre nos comportements.
Espace-temps. Qu’on pourrait tout aussi bien nommer histoire-géographie. Il n’est pas possible d’appréhender quelque événement ou phénomène nous concernant sans en déterminer la situation dans l’espace et dans le temps, ainsi que celles qui l’ont précédée.
Grand Ensemble II : L’Anthropologique
Ce niveau regroupe toutes les strates qui influent sur notre condition d’êtres sociaux par nature : comment nous faisons société, par quelles articulations culturelles, et en vertu de quels contingents environnementaux.
Macro-économie et géopolitique. Comment les sociétés interagissent, s’organisent, voire s’affrontent à travers l’espace et le temps.
Sociologique. Ou comment des êtres qui, autrement isolés dans un état de nature les privant de tout espoir de subsistance, s’organisent en des groupes sociaux unis et résilients. Comprendre la sociologie, c’est interroger la généalogie de nos pensées, biais et actions individuelles.
Écologique. Ou comment nos sociétés apprivoisent, puis façonnent les environnements qui les entourent. Mais aussi de quelles richesses naturelles celles-ci bénéficient, comment elles les exploitent, et au prix de quelles inégalités territoriales.
Culture. Par quelles croyances, quel rites et quels dogmes, mais aussi quelles lois, valeurs, principes et connaissances ces sociétés sont animées.
Macro-éducation. Ou comment la société étudiée appréhende la transmission de la connaissance.
Grand Ensemble III : L’Individu
On retrouve ici ce qui fait l’individu étudie dans toute son unicité : sa physiologie, sa psyche et, s’il en est, sa spiritualité. Mais aussi ses propres déterminismes (qui découlent de de facteurs génétiques, épigénétiques, éducatifs et socio-économiques).
Micro-éducation. On arrive ici aux strates qui relèvent de l’individu et de ses choix. Ici : comment le cercle social de l’individu a pris soin de lui transmettre savoir, soutien et expérience.
Physiologie. Ou les particularités, aptitudes ou handicaps physiques qui lui sont propres.
Psychologie. Ou tout ce qui incombe à ses conditionnements, biais, tropismes et valeurs qui régissent ses perceptions, choix et actions. Mais aussi sa spiritualité.
Chacun de ses grands ensemble s’imbrique dans le suivant. De l’infinité homogène du vaste cosmique, aux macro-conditionnements anthropologiques, jusqu’aux ramifications unitaires de nos propres individualités.
Avec cette cartographie mentale, il est possible, au mieux d’expliquer et, tout au moins, d’apporter plus de contexte aux concepts, événements et phénomènes qui nous font face.
L’idée, ici, n’est pas de remonter l’intégralité de la chaîne de causalité, mais plutôt de se permettre une prise de hauteur supplémentaire dans le cas où l’explication dont nous disposons à un instant-T pour élucider un phénomène ne nous semble pas convaincante.
Exemple
Ainsi, si nous cherchons à expliquer les raisons qui font qu’un individu est raciste :
Les données scientifiques et empiriques n’ont de cesse de prouver que nous ne naissons pas racistes. L’origine du racisme ne peut donc pas se trouver au niveau de l’individu.
À l’échelle du micro-éducatif, les groupes concernés semblent s’atteler à la perpétuation d’une vision racisée du monde.
Cependant, elle ne permet pas d’expliquer que cette vision soit partagée par un grand ensemble d’individus.Interroger le niveau macro-éducatif nous permet de comprendre que certaines sociétés sont pétries d’une philosophie éducative perméable aux théories racialistes, voire racistes.
Cependant, celui-ci n’explique pas l’existence des dites théories en premier lieu.Le niveau culturel, quant à lui, nous donne plus d’informations quant aux dogmes, récits, croyances et préceptes qui animent un groupe social.
Il ne nous permet pas, en revanche, de comprendre les causes même de leur apparition, ni même leur fonction à l’égard du groupe.En remontant au niveau macro-économique et géopolitique, on constate que les peuples considérés comme “inférieurs” tendent à l’être en vertu d’une narrative d’ostracisation, voire de déshumanisation menée à des fins économiques et militaires (accaparement des ressources, traite, expansion territoriale, etc.).
On comprend alors que ce racisme culturel résulte en réalité d’une recherche de justification d’une entreprise d’extorsion.Finalement, le niveau écologique nous permet de comprendre que cette instabilité géopolitique sur fond de narrative raciste résulte d’une profonde inégalité de ressources naturelles (sous-sols, fertilité des sols, reliefs, faune, etc.) entre les deux groupes sociaux.
Conclusion : le racisme observé à l’échelle individuelle résulte d’un conditionnement culturel puis éducatif intense, fruit d’une narrative ayant pour fonction de légitimer des démarches macro-économiques et géopolitiques d’accaparement de ressources. Narrative qui, ayant vu naître des inégalités d’autres natures, n’a fait que se renforcer et se cristalliser au fil du temps.
Conclusion
Ce modèle me rappelle que chaque individu découle, de fait, de sa propre généalogie causale.
Mais surtout : il me rappelle à quel point nous sommes tous équitablement légitimes face au poids de nos déterminismes.
À défaut de tous avoir raison dans nos opinions.
– Benoît 🌱🌳
Pour m’aider à développer Brain Dump :
Insane, merci à toi !
Merci encore pour ce partage. Découvrir tes modèles mentaux est toujours une vraie source d'inspiration.
Je suis un lecteur assidu de Alfred North Whitehead, Wittgenstein et William James et j'aimerais beaucoup te lire (un jour peut-être) sur tes références philo, socio...
Force à vous,